Comment faire adhérer à un changement ?

Que l’on soit dirigeant ou manager, l’un des défis majeurs actuels consiste à faire adhérer ses équipes au changement. Or, l’adhésion n’est pas si naturelle, car le changement inquiète. Sans prétendre apporter une « recette magique », nous vous donnons ci-dessous quelques recommandations utiles.

Peur du changement

Schématiquement, les personnes se positionnent en fonction de deux critères principaux :

  1. L’ouverture et l’adhésion au changement. La personne est-elle naturellement ouverte, perméable au changement ? Est-elle ouverte à ce changement spécifique ?
  2. La capacité que chacun s’attribue à réussir le changement. Sous une forme ou sous une autre, tout changement va supposer un apprentissage : compétences à acquérir, comportements à faire évoluer, représentations à modifier…… Chacun va s’attribuer ou non la capacité à acquérir les apprentissages nécessaires.

Faciliter l’adhésion au changement implique donc d’apporter des réponses convaincantes à ces deux critères.

Les porteurs du changement ont assez naturellement tendance à se focaliser prioritairement, voire exclusivement, sur le contenu du changement, c’est à dire en quoi consiste le changement : réorganisation, restructuration, innovation…. Or, le succès ou l’échec du changement se jouera rarement sur cette dimension de contenu, mais plutôt sur la dimension « processus », c’est à dire la façon dont le changement sera présenté et conduit : comment on informe, comment on associe ou non…..

Les recommandations que nous formulons ci-après concernent donc principalement la dimension processus.

  • Rendre le changement légitime, pertinent en lui donnant du sens

Le changement doit apparaître « légitime/pertinent » pour ceux qui en subiront les impacts et auront à le mettre en œuvre. Il faut donner du sens, des raisons qui puissent convaincre les acteurs concernés que le changement est nécessaire et/ou utile, voire incontournable. C’est répondre à la question « pourquoi ce changement ? ». Le changement n’est accepté que si l’on en comprend sa logique, si l’on peut en situer les enjeux, s’il permet de donner, redonner un sens aux façons dont son rôle, son travail, ses modalités de fonctionnement….. vont évoluer.

  • Faire connaître et comprendre la « règle du jeu » modifiée et générée par le changement

Dans l’immense majorité des cas, le changement modifie des références fondamentales de l’organisation. Il génère ce que l’on appelle une modification de la « règle du jeu ». Les acteurs doivent connaître et comprendre ces évolutions formelles, mais aussi informelles. Par exemple, il y a plusieurs années, nous sommes intervenus dans une entreprise publique (à l’époque) où historiquement l’avancement se faisait principalement sur des critères d’ancienneté. Le changement qui impulsait une orientation commerciale prononcée a lié l’avancement à la performance. Une autre évolution de la règle a été la substitution d’une relation hiérarchique pyramidale lourde, à un fonctionnement décentralisé, beaucoup plus délégatif, plus transversal et plus responsabilisant. Les nouvelles règles du jeu doivent être expliquées, argumentées car elles refondent plus ou moins le « contrat de collaboration et de fonctionnement ».

  • Rendre le changement le plus équitable possible

Récemment, je suis intervenu dans une entreprise (produits d’assurances) où une réorganisation profonde des structures commerciales entraînait des suppressions de postes. On comprend aisément la déception, voire la colère des personnes qui devaient quitter l’entreprise. On comprend aussi le mal-être, voire chez certains la culpabilité de ceux qui restaient (les survivants comme l’on dit parfois). Cette entreprise avait toujours bien traité ses collaborateurs. Dans cette passe difficile, notre conseil a été le suivant : « appuyez-vous sur cette pratique et cet acquis, continuez donc à bien traiter les collaborateurs (à commencer par ceux qui doivent quitter l’entreprise). On a fait en sorte que les critères de choix soient le plus juste possible. Par exemple des critères non liés aux personnes en tant que telles, mais au potentiel économique des différents secteurs.

  • Associer, faire participer

Il faut rechercher comment les acteurs concernés par le changement pourront participer à sa conception et/ou à sa mise en œuvre. C’est là un puissant levier d’adhésion. Cela implique de  mettre les acteurs en position « d’auteur » ou « co-auteur » de certaines composantes et modalités de mise en œuvre du changement. Rappelons-nous que les collaborateurs peuvent résister, faire échouer ou bien contribuer à la réussite du changement. Plus les personnes seront impliquées dans le processus décisionnel, plus elles seront en capacité d’adhérer au changement.

  • Former et rendre le changement accessible

Comme nous l’avons déjà noté, tout changement nécessite un nouvel apprentissage : nouvelles manières de faire, nouveaux rôles, nouvelles règles, nouvelles compétences… L’apprentissage n’est pas seulement de type cognitif, il est aussi très souvent de nature culturelle et comportementale. Apprendre, c’est souvent devoir modifier ses représentations, à travers la rencontre de celles des autres, notamment ceux qui initient et portent le changement. Changer, c’est rendre possible le développement de nouveaux jeux de relations, de nouveaux rôles, de nouvelles pratiques. Il faut donc arbitrer entre les contraintes données par les initiateurs du changement et les marges de liberté laissées aux acteurs. On se trouve en présence d’une exigence d’apprentissage et d’ajustement réciproque, qui impose un travail en commun entre les initiateurs, les porteurs du changement et les personnes impactées. Former est donc à prendre avec une vision grand-angle, en n’oubliant pas ce qu’il faudra désapprendre.

L’une des conditions d’adhésion au changement, c’est de constater que l’organisation met en œuvre les moyens nécessaires : formation, accompagnement, coaching, matériel, délais…. pour permettre aux collaborateurs de réussir le changement. Nombreuses sont les personnes qui s’opposent au changement, non pas parce qu’elles sont fondamentalement contre, mais parce qu’elles sont persuadées qu’elles n’auront pas les capacités et les moyens de le réussir.

  • Identifier et valoriser les continuités

Le changement induit nécessairement des ruptures avec le passé. Cela étant, on va généralement pouvoir s’appuyer aussi sur des éléments historiques : attachement à l’entreprise, réussite de changements antérieurs, expertises, valeurs. Il faut notamment rechercher ce qui a été et est valorisé, et continuera à être utilisé ; de ce qui a fait l’objet d’un fort investissement affectif et professionnel et qui continuera à vivre. Il faut identifier et valoriser ces continuités : « On ne change pas parce que vous êtes ou avez été mauvais ; au contraire ce que vous êtes, ce que vous avez fait et réussi va aider au succès de ce nouveau changement. » C’est aussi une façon tout à fait essentielle de montrer aux personnes qu’on leur fait confiance, qu’on croit en elles.

  • Préserver une identité professionnelle valorisante

Si le changement contribue à rendre le travail plus rationnel, plus efficace, plus rentable…., il sera d’autant mieux accepté s’il est une source de fierté et d’identification. Le changement doit donc être présenté et vécu concrètement comme une préservation, voire un renforcement d’une identité professionnelle valorisante. On confond souvent résistance au changement et volonté des individus de maîtriser leur travail, de rester soi-même, d’exister et d’être reconnu par son travail. L’identité professionnelle est un facteur central du comportement. Le pilotage d’un changement doit donc inclure la façon dont les individus reconstruiront leur identité professionnelle.

  • Informer

Les personnes engagées et impactées par le changement ont besoin, en permanence, de savoir où l’on en est. Qu’est-ce qui a été réalisé ? Qu’est-ce qui a été réussi ? Face aux difficultés, quelles décisions et actions ?….. Ceux qui pilotent le changement doivent donc mettre en œuvre un système d’information efficace. Cela présente aussi deux autres avantages :

  • couper court aux rumeurs négatives (face à une carence informationnelle, on crée une information déviante),
  • montrer l’irréversibilité du changement : les choses sont engagées, elles se font, elles continuent à se faire. Nombre de sceptiques et d’opposants finiront par rejoindre la dynamique du changement, tout simplement, lorsqu’ils constateront que quoi qu’on dise, quoiqu’on fasse, le changement est engagé de manière irréversible.
  • Communiquer

L’information est unidirectionnelle : elle part d’une source et se transmet vers certains destinataires. Pour importante qu’elle soit, l’information présente aussi des limites : « Celui qui informe parie généralement sur le fait que le ou les destinataires prendront connaissance des messages, les comprendront, en tiendront compte dans leurs pratiques et dans leurs actions, ce qui peut être une illusion. »

En fait les personnes n’attendent pas seulement d’être informées, elles attendent aussi de pouvoir communiquer, c’est-à-dire échanger. Les pilotes du changement devront prévoir des moments d’échanges formels (réunions par exemple) et informels (à la machine à café par exemple). D’ailleurs, lorsque les personnes disent : « nous ne sommes pas ou pas assez informés », en réalité, ce qu’elles veulent plutôt dire, c’est : « nous voulons échanger, communiquer »

La communication permet également aux porteurs du changement de récolter deux feed-back importants :

  • comment les personnes comprennent-elles la démarche de changement, quel sens lui donnent-elles ?
  • quel est leur niveau d’adhésion et d’engagement réel ?
  • Parler vrai pour préserver la relation de confiance

Ceux qui initient et portent le changement ont hautement intérêt à tisser et maintenir une relation de confiance avec les différents acteurs. Pour cela, une ligne de conduite simple à poser, parfois plus difficile à appliquer : « Parler vrai ». La langue de bois, la dissimulation, le mensonge, la manipulation…. ne résistent pas à l’épreuve du temps et de l’intelligence des collaborateurs.

  • Envoyer des messages de reconnaissance

Chaque fois qu’une avancée est réalisée, qu’une victoire est obtenue, qu’un véritable engagement est constaté…, il faut envoyer des signes  positifs de reconnaissance. C’est un moyen de renforcer la motivation des acteurs, donc leur engagement dans le processus de changement. C’est aussi un puissant moyen de renforcement de la confiance en soi aux niveaux individuels et du collectif. Ça permet de constater qu’on est en train de réussir, ce qui témoigne de notre valeur professionnelle.

  • Construire une coalition d’alliés et de leaders relais

Toutes les parties prenantes au changement ne seront pas dans la même posture : certains seront partants, d’autres hésitants, d’autres sceptiques, d’autres opposants. Appuyez-vous prioritairement sur ceux qui sont partants, vos alliés. Parmi ceux-ci, utilisez ceux qui sont des leaders d’opinion, c’est-à-dire qui sont regardés et écoutés par les autres pour en faire des relais d’influence.

Pour conclure

Notre expérience nous a montré que l’attention portée à ces recommandations facilitait grandement l’adhésion des collaborateurs. S’il n’y avait que deux choses à retenir, rappelez-vous que pour adhérer à un changement les personnes ont besoin de :

– le comprendre, pouvoir lui donner du sens,

– pouvoir faire confiance à ceux qui initient et portent le changement.

Pour cela, je terminerais avec deux citations de Gandhi : « Nous devons être le changement que nous voulons voir dans le monde » ; «  Commencez par changer en vous ce que vous voudriez changer autour de vous ».

Marc Alphonse FORGET
Consultant formateur @Formatys

3 commentaires sur “Comment faire adhérer à un changement ?

  1. Bonjour,
    J’aime bien les citations de Gandhi.
    J’aimerais voir nos dirigeants se tenir, se mouvoir, se vêtir (pas forcément la tenue, mais le dépouillement dans l’apparence) comme lui.
    N’oublions pas que chez la personne humaine existe une force de l’habitude. La première étape d’un changement durable est sans doute de reconnaître la force de l’habitude. Je ne peux pas lutter contre mes habitudes, juste m’émerveiller de tout ce qu’elles m’ont permis d’accomplir et décider peut-être de fonctionner différemment si j’accepte que certaines deviennent nocives.
    Bien sincèrement.

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